Description
Epoque : Quatrième République (1946-1958) – Cinquième République (depuis 1958)
Auteur : JAULIN Emmanuel
Editeur : Panazol, Lavauzelle
Edition : 2009
Etat : neuf
Prix papier (hors frais envoi) : 33,00 €
– 680 grammes, frais envois 6,55 € ;
Format: 15 x 21 cm; épaisseur tranche 3cm, 494 pages, broché.
La gendarmerie dans la guerre d’Algérie. Dépendance et autonomie au sein des forces armées
Cet ouvrage est issu d’une thèse soutenue en février 2009 à l’université de Paris IV sous la direction de Jacques Frémeaux. Le jury était composé par les professeurs Jean-Noël Luc (Paris IV), Daniel Lefeuvre (Paris VIII) et Jean-Charles Jauffret (IEP d’Aix-en-Provence). La thèse d’Emmanuel Jaulin aborde la problématique des relations entre la gendarmerie et l’armée de Terre durant le conflit algérien, à partir de l’étude de la région d’Alger. Pour appuyer sa démonstration, l’auteur a utilisé une vaste palette de sources, dont une bonne partie est inédite. Les archives du département de la gendarmerie et du département de l’armée de Terre du Service historique de la Défense, complétées par les dossiers des Archives nationales d’outre-mer, constituent le socle de cette étude. Cet ensemble documentaire est enrichi par une abondante liste de sources imprimées, incluant notamment l’étude de la presse corporative. La fin de l’ouvrage comprend enfin les extraits commentés par l’auteur d’une série d’interviews de témoins des événements. Cette heureuse initiative de l’éditeur, qui a reproduit les éléments présentés dans la thèse, permet d’éclairer et de compléter les propos de l’auteur. Après le début de la guerre, période au cours de laquelle gendarmerie et armée restent cantonnées dans leur rôle traditionnel et complémentaire, la montée en puissance des moyens humains et matériels de 1955 à 1957, puis les succès militaires en 1958-1959, sont des moments pendant lesquels la gendarmerie et l’armée de Terre se retrouvent dans une collaboration de plus en plus étroite. Il faut dire que leurs missions et leurs structures, très proches, favorisent cette complémentarité. La gendarmerie mobile, plus particulièrement, semble inféodée à l’armée de Terre, au moins jusqu’en 1959. L’armée et la gendarmerie collaborent encore dans les actions combattantes, notamment avec la création des commandos de chasse de gendarmerie en juillet 1959, puis avec la multiplication des actions communes de pacification. La gendarmerie éprouve cependant un certain mal à se fondre dans l’ensemble. Une vingtaine de gendarmes est détachée dans les Détachements opérationnels de sécurité, malgré les réticences du commandement d’impliquer la gendarmerie dans des actions illégales. Emmanuel Jaulin note d’ailleurs la grande indépendance de ton des rapports de gendarmerie, qui n’hésitent pas à fustiger des pratiques jugées inefficaces et contre-productives. Le général Morin, chef de la gendarmerie en Algérie, s’exprime de manière très libre dans ses rapports au commandement, ce qui tend à démontrer, sur cette question du renseignement, une dissemblance de culture entre la gendarmerie et l’armée de Terre. L’auteur montre bien le dilemme qui traverse la gendarmerie : poursuivre loyalement le combat aux côtés des forces terrestres et s’opposer parallèlement aux méthodes employées. Dans cet environnement délétère, la gendarmerie représente la légalité, quelles que soient les options politiques du gouvernement dont elle dépend, alors que l’armée, force combattante, est tentée de redéfinir la légalité même qui fonde son intervention. Tant que les modalités d’action demeurent en cohérence avec la légalité, les relations entre les deux armes sont complémentaires. Les divergences entre une partie de l’armée et la gendarmerie vont se trouver exacerbées suite au discours sur l’autodétermination du 16 septembre 1959, puis lors de la semaine des barricades en janvier 1960 – qui fait l’objet d’un paragraphe véritablement novateur. Dans les tourmentes du putsch d’avril 1961, puis de la lutte contre l’Organisation de l’armée secrète, la gendarmerie est perçue, de fait, comme l’instrument militaire moteur de la politique de retrait. Elle est alors elle-même un symbole de l’abandon décidé par le pouvoir et cristallise la haine d’une partie de la population européenne et de la fraction « activiste » de l’armée. Devenue, selon les termes mêmes du général Chérasse, « l’arme de loyauté par excellence », les malentendus et les mésententes s’installent alors. Si les missions convergent jusqu’au début de 1960, elles divergent par la suite. En 1962, la gendarmerie est perçue comme un corps qui opère une répression au sein de l’armée et un instrument du pouvoir politique. Avec l’indépendance puis le retrait final, une indifférence hostile et tenace s’installe. Les apports de cette thèse pour le chantier historiographique de la gendarmerie et plus généralement pour l’histoire militaire sont multiples. Emmanuel Jaulin a su décrypter la complexité des relations entre l’armée et la gendarmerie, deux corps intimement liés depuis le XIXe siècle. Il nous montre que le respect de la légalité semble constituer un trait culturel spécifique de la gendarmerie des années 1960. Cet épisode de la guerre d’Algérie indique aussi qu’elle a su s’adapter à l’interface de la guerre et de la paix et jouer pleinement son rôle de police au sein des armées. Plus encore, ce travail d’orfèvre nous éclaire sur le fonctionnement de la gendarmerie et sur un pan peu connu du conflit.
Édouard Ebel, « Emmanuel Jaulin, La gendarmerie dans la guerre d’Algérie. Dépendance et autonomie au sein des forces armées », Revue historique des armées 261, 2010